Culte du Jeudi Saint 2008 Prenez et mangez, ceci est mon corps donné pour vous... faites ceci en mémoire de moi. Nous avons tous cette phrase en tête, comme si elle était un verset bien connu de la Bible. Et bien oui, et non. Telle quelle, cette phrase est nulle part dans le Nouveau Testament, c'est un patchwork de phrases des différents Évangiles composée par des théologiens au cours des siècles, c'est comme si l'on prenait dans un livre le sujet et le verbe d'une phrase et qu'on le collait au complément tiré d'un autre livre. Je ne sais pas si cette composition est simplement maladroite ou s'il s'agit de manipulation, mais en rapprochant ainsi 2 demi-versets de 2 évangiles différents, le sens n'est vraiment plus le même que dans les Évangiles d'origine. Prenez et mangez, ceci est mon corps donné pour vous... est dans l'Évangile selon Matthieu, ...faites ceci en mémoire de moi est dans l'Évangile selon Luc et dans la 1e lettre de Paul aux Corinthiens. En rapprochant ces demi-phrases on donne à penser que Jésus nous dit qu'il serait vital de prendre et de manger régulièrement le pain et le vin en mémoire de lui. En effet, ce ...faites ceci en mémoire de moi est la conclusion d'une parole de Jésus très solennelle où il donne en quelque sorte son testament spirituel, quelques heures avant d'être arrêté et exécuté. Reprenons donc, honnêtement, ces paroles du Christ qui nous dit faites ceci en mémoire de moi pour essayer de comprendre ce qu'il nous donne de faire : Jésus prit du pain ; et, après avoir rendu
grâces, il le rompit, et le leur donna, en disant
: Quel est le faire ceci que Jésus nous donne ainsi comme testament spirituel ? Sa phrase est très claire, le faire ceci renvoie au dernier verbe actif précédant. Voici mon corps qui est donné pour vous ; faites ceci en mémoire de moi veut dire que Jésus nous invite à donner notre corps pour les autres, comme lui, le Christ, donne son corps et sa vie pour nous. Mais, bien entendu, ce dernier message donné par Jésus est moins facile à entendre qu'un mangez ce pain, buvez cette coupe, en mémoire de moi qui institue un geste religieux comme sommet de ce que Jésus nous propose de vivre dans son Évangile. Il est également bien plus facile de dire Voici le corps du Christ en tendant un morceau de pain que de dire aux autres Voici mon corps, voici mon sang que je vous donne, par amour pour vous, en mémoire du Christ qui a donné sa vie pour moi. Il est plus facile de dire Jésus vous aime que de d'essayer, avec nos forces limitées d'aimer notre prochain, et d'exposer ainsi nos ressources limitées et nos curs déjà fatigués... Jésus était un juif pratiquant, mais apparemment de façon assez libérale. Même ce geste essentiel du Sabbat qui consiste à laisser la première place à Dieu dans sa vie au moins une fois par semaine n'était pas pour lui une chose absolue et s'il y avait quelqu'un à aider ce jour là, ou seulement un épi de blé à grignoter en passant, ce n'était pas pour lui un problème. Le sabbat est fait pour l'homme, explique t-il, et pas l'homme pour le Sabbat , on voit mal dans ce contexte comment il aurait institué un geste religieux comme celui de la Cène dans une autre optique. C'est, comme le Sabbat, un simple moyen au service de notre cheminement. Cette chose ultime, qui est centrale dans la vie du Christ, c'est de donner sa vie pour les autres, de donner son temps, son énergie, son amour pour donner la vie aux autres. C'est ce que l'on voit dans bien des passages du Nouveau Testament. Par exemple, l'apôtre Paul nous appelle à: offrir notre corps comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui sera de notre part un culte raisonnable (Rom. 12:1). Et dans les évangiles, le Christ nous dit Si quelqu'un veut venir avec moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge chaque jour de sa croix, et qu'il me suive. Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la sauvera. (Luc 9:22-24, Luc 17:33) Il s'agit de la même chose que dans le commandement de la Cène. Il nous invite à donner notre vie, comme lui-même donne sa vie pour nous. Être chrétien, ce n'est pas seulement être consommateur ou spectateur mais c'est être acteur. Ce n'est pas seulement être aimé mais aussi aimer... Ce n'est pas regarder le Christ porter sa croix, mais porter sa propre croix et le suivre dans ce cheminement. Le Christ est le chemin. Un chemin n'est pas fait pour être adoré. Un chemin c'est fait pour permettre d'avancer. Quand le Christ donne sa vie, il ne la donne pas pour que nous le regardions faire avec admiration pour son courage, mais il nous donne sa vie pour que nous la prenions, pour que nous vivions de cette qualité d'être qui était la sienne et qu'il nous offre. Dans le même sens, nous fêtons Noël pas seulement pour célébrer la naissance du bébé Jésus il y a 2000 ans mais pour naître à cette dimension supérieure de l'existence qu'il incarne. Et si nous repensons particulièrement aux dernières journées de la vie de Jésus à Pâques c'est pour nous ouvrir à chaque fois un peu plus à sa façon d'être, pour faire un pas de plus dans le cheminement qu'il nous propose, et pour que vraiment, concrètement, cela change quelque chose à notre façon d'être. En mangeant la Pâque le Jeudi Saint, nous voulons prendre et assimiler cette façon d'être qui consiste à donner sa vie par amour pour les autres, à donner au moins un peu de notre vie dans l'espérance qu'une personne que nous pensons devoir aimer puisse être un peu plus vivante ainsi. En nous lamentant sur la mort de Jésus le Vendredi Saint et en nous réjouissant de sa résurrection le Dimanche de Pâques, nous voulons nous ouvrir à ce miracle qu'est l'extraordinaire dynamique de vie qu'il y a dans le moindre geste d'amour vrai. Objectivement, la mort de Jésus de Nazareth est un incroyable gâchis, celui d'une vie extraordinaire sacrifiée par la folie ordinaire des humains. Pourtant, même ce gâchis stupide, grâce à l'amour que le Christ a mis à le supporter, a été paradoxalement une incroyable source de vie pour le monde entier. Bien souvent, nous hésitons à faire un geste pour telle personne, parce que peut-être ça ne servira à rien, peut-être qu'elle se moquera de notre élan, ou pire... mais ne craignons rien, tout geste d'amour a sa propre fécondité. Noël, Pâques, Pentecôte, et nos Saintes Cènes ne font pas de nous des spectateurs de la vie du Christ mais ils nous donnent l'occasion de devenir un peu plus enfant de Dieu, un peu plus christiques. Jésus prit du pain ; et, après avoir rendu grâces, il le rompit, et le leur donna, en disant : Voici mon corps qui est donné pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. En disant ces paroles, Jésus ne crée pas un rite religieux, il nous propose un style de vie, il nous propose de vivre en donnant sa vie pour nos frères et surs, comme le dit Jean (1 Jean 3:16). Facile à dire, un peu moins à faire ? C'est pour cela que nous avons besoin du Christ. Lui-même nous dit dans le passage de l'Évangile de Jean que nous avons entendu que ce n'est pas spontanément qu'il peut aimer à ce point, mais que cela lui vient de son Père, de Dieu, et que cette façon d'être il nous la donne, il nous la transmet parce qu'en elle est la vie, et même la joie parfaite. Nous retrouvons cette transmission de la vie divine dans les gestes de Jésus à la Cène :
Comme le Christ ne pouvait vivre comme il a vécu par de simples forces humaines mais seulement avec l'amour de Dieu créant une surnaturelle capacité à aimer, nous aussi, nous avons besoin de Dieu pour vivre en nous aimant un peu les uns les autres. Et c'est pour cela qu'il est intéressant de lire aussi ce que nous dit Jésus dans un autre Évangile pour la Cène: Jésus prit du pain; et, après avoir rendu grâces, il le rompit et le donna aux disciples en disant: Prenez, mangez, ceci est mon corps. (Matthieu 26:26) Le Christ nous tend sa vie, il nous offre ses paroles, il nous offre la connaissance de l'amour de Dieu, et il nous conseille de prendre cela, et de l'assimiler en nous-mêmes:
On peut certes prendre et manger le Christ par la simple méditation des évangiles et la prière chez soi, dans l'intimité de sa chambre. Nous pouvons aussi le prendre en le manger le dimanche matin au cours du culte, même si la Cène n'est pas célébrée, et cela nous rappelle que nous ne sommes pas seuls dans cette démarche mais tout une famille qui se rassemble. La Cène ajoute encore quelque chose, une émotion, une façon de vivre cette recherche et cette joie de façon plus physique, par un geste de la main, par un regard qui s'échange, par une coupe et un plat qui passent de l'un à l'autre. Ce n'est pas obligatoire, mais beaucoup d'entre nous sont sensibles alors, tout particulièrement, à cette réalité que c'est ensemble que nous constiturons le corps du Christ, avec humilité mais aussi en assumant la responsabilité qui est la nôtre, cette belle vocation d'être disciple du Christ. Bénis sois-tu, Seigneur notre Dieu, pour tout ce que tu nous a donné en Christ. Vous pouvez réagir sur le blog de l'Oratoire |
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